Plusieurs rapports récents1 ont mis en évidence un déclin continu des espèces et des habitats à travers le monde. L’une des raisons pour lesquelles nous ne parvenons pas à utiliser l’environnement naturel de façon durable est le fait que les avantages que nous dégageons de la nature ne sont pas toujours aussi évidents que les bénéfices du développement économique. Il est également très difficile de prendre des décisions sur la façon d’utiliser nos ressources naturelles lorsque les changements environnementaux, sociaux et économiques qui résulteraient des mesures particulières se mesurent tous de différentes manières. Le concept de services écosystémiques a été développé pour tenter de résoudre cette problématique en établissant un langage commun et un cadre transparent pour la prise de décision.
L’approche par les services écosystémiques s’intéresse aux milieux naturels et à la façon dont l’Homme en retire des bénéfices. Certains d’entre eux sont relativement évidents (nourriture, matières premières et possibilités de loisirs, par exemple), mais d’autres le sont moins, comme le rôle de l’environnement dans le contrôle de la pollution et des inondations ou encore la protection de notre santé physique et mentale. L’approche par les services écosystémiques tente de mieux associer les écosystèmes au bien-être de l’humanité en reliant les avantages que nous dégageons aux processus environnementaux qui nous les fournissent. Ce concept est souvent décrit comme une cascade :
La cascade2 des services écosystémiques
Des travaux menés à la fin des années 1990 par Gretchen Daily3 et Robert Costanza4 ont été significatifs pour attirer l’attention sur le concept de services écosystémiques et ses applications. Une autre étape importante a été la publication de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire5, une étude commanditée par les Nations Unies. Ce document a établit un cadre de classification des services écosystémiques, qui a été largement utilisée depuis. Ce cadre classifie les services écosystémiques selon quatre catégories : services d’approvisionnement (nourriture, ressources génétiques et autres matières premières), services de régulation (par ex. régulation du climat et purification de l’eau) et services culturels (qui incluent les loisirs, l’éducation et le patrimoine culturel). Le quatrième type, les services de soutien, inclut les services comme les cycles des nutriments et de production primaire dont dépend la production de tous les autres services écosystémiques.
Tableau 1 : les quatre types de services proposés par l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire
L’approche par les services écosystémiques peut s’articuler autour de la notion de valeur : il s’agit de montrer à quel point l’environnement est important dans notre vie quotidienne. Le fait de décrire la valeur des avantages environnementaux en termes monétaires peut faciliter l’accord sur des compromis entre les écosystèmes et le développement économique, par exemple pour déterminer si la création d’emplois et les activités touristiques qui résulteraient de la construction d’un embarcadère pour ferries apportent une valeur supérieure aux coûts environnementaux, y compris le dérangement (et la mortalité accrue) de la vie marine, la perte d’habitat et les changements dans les courants et le comportement des sédiments. Ce concept de contribution économique de la nature était au cœur d’un autre programme mondial, l’évaluation économique des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB)6, qui a suivi l’Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire et a encore affiné le concept de services écosystémiques.
Cependant, il ne sera pas forcément possible ni pertinent d’exprimer la contribution de la nature à notre bien-être en termes purement monétaires. Ce fait a été reconnu par l’évaluation nationale britannique des écosystèmes (UK National Ecosystem Assessment – UK NEA) 7, un programme qui visait à donner une image complète des services écosystémiques du Royaume-Uni et de leur valeur. Le cadre de l’UK NEA soulignait explicitement les avantages sociaux potentiels de la nature pour la santé, en complément de leur valeur économique.
Tableau 2 : le cadre proposé par l’évaluation nationale britannique des écosystèmes
Le concept de services écosystémiques continue d’évoluer. En particulier, des travaux complémentaires seront nécessaires pour établir la valeur des différents avantages que nous dégageons de la nature. Nous avons également besoin de mieux comprendre ce que nous devons mesurer, de manière à pouvoir surveiller efficacement les changements dans les services écosystémiques et améliorer ainsi la gestion de nos ressources naturelles. Il existe des lacunes particulières dans nos connaissances concernant les liens entre les services écosystémiques, les fonctions et les processus biologiques sous-jacents, ainsi que dans la façon de mesurer et de présenter les avantages culturels que nous dégageons de la nature. Le travail entrepris par VALMER contribuera à poursuivre le développement du concept de services écosystémiques et de son application pratique.
Notes
1 Quelques exemples :
http://www.cbd.int/gbo3/?pub=6667§ion=6673 ; http://www.rspb.org.uk/ourwork/science/stateofnature/
2 Adapté de Haines-Young, R. et Potschin M. 2010. The links between biodiversity, ecosystem services and human well-being. Ch6. Dans : Raffaelli, D. et Frid C. (Eds.) : Ecosystem Ecology: a new synthesis. BES ecological reviews series, Cambridge University Press, Cambridge (31 pp)
3 Daily, GC, Ed. 1997. Nature’s Services: Societal Dependence on Natural Ecosystems, Island Press, Washington, DC.
4 Costanza R, d’Arge R, de Groot R, Farber S, Grasso M, Hannon B, Limburg K, Naeem S, O’Neill R.V, Paruela J, Raskin R.G, Sutton P et van den Belt M. 1997. The value of the world’s ecosystem services and natural capital. Nature 387: 253-260
5 http://millenniumassessment.org/en/About.html